Entretien avec Kazuki Yamada
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« La musique ensemble »
Prodige de la direction d’orchestre, le chef japonais a d’abord enthousiasmé par sa connaissance de la musique française. C’est désormais dans d’autres répertoires qu’on découvre Kazuki Yamada : créateurs de notre temps, Seconde École viennoise, rien ne fait peur à cet interprète passionné. Rencontre avec un musicien capable d’exprimer en peu de mots ce qui le bouleverse dans les oeuvres qu’il interprétera à Toulouse le 11 février 2022 prochain.
Vous connaissez l’Orchestre national du Capitole depuis plusieurs années maintenant ! Quelles ont été vos premières impressions en les rencontrant, et comment l’effectif évolue-t-il selon vous ?
Dès la première rencontre, j’ai été totalement enthousiasmé. Les musiciens sont extrêmement impliqués tout en s’adaptant aux exigences de n’importe quel chef d’orchestre. À chaque répétition, quelques secondes à peine leur sont nécessaires pour améliorer le son et la compréhension musicale des œuvres. Chaque fois que je reviens auprès de l’effectif, je suis frappé par leur sens de la musique, ce qui montre à quel point la collaboration avec Tugan Sokhiev a été fructueuse.
Vous avez fait vos débuts toulousains avec la musique française. Qu’est-ce qui vous a particulièrement attiré dans ce répertoire ?
La musique française est d’abord affaire de charme ; chaque son y est travaillé comme un joyau. Comme beaucoup, j’y trouve de nombreux liens avec le courant pictural de l’impressionnisme français, et son goût pour les correspondances entre couleurs, parfums et intensités.
En février, vous viendrez diriger Berg et Schoenberg. Comment pourriez-vous présenter ce concert en quelques mots ? Que représentent ces œuvres pour vous ?
Beaucoup de gens peuvent avoir l’impression qu’il s’agit d’une musique « difficile » à partir du seul nom de ces compositeurs. De mon point de vue, elle est pourtant d’une profondeur fascinante, en particulier dans les deux œuvres que nous interpréterons et qui traitent, l’une et l’autre, de la vie et de la mort. Si le concert est réussi, on parvient à une sensation d’euphorie sans équivalent. Vaste défi pour moi et pour l’Orchestre !
Vous êtes également un fervent défenseur de la musique de notre temps. Lorsque vous dirigez un répertoire symphonique d’autrefois ou des œuvres d’aujourd’hui, est-ce le même métier ? Existe-t-il des spécificités d’un répertoire à l’autre, d’une époque à l’autre ?
Il me semble que, dans la musique dite classique, il y a une « unité » qui s’est nouée avec le chant grégorien, qui se poursuit à la Renaissance, et qui se perpétue jusqu’à la musique contemporaine aujourd’hui. Donc en gros, l’horizon demeure cohérent. Ce sont les contextes historiques propres à chaque époque, à chaque œuvre, qui évoluent, et qui nécessitent de déployer des imaginaires différents lorsqu’on les aborde.
À l’heure où la crise sanitaire a laissé des traces dans les habitudes de spectacle, que voudriez-vous dire aux spectateurs de ce concert, pour leur permettre de franchir les portes de la Halle aux Grains ?
Je voudrais d’abord remercier le public d’être revenu à la Halle aux grains. Lors d’un concert, c’est une erreur de penser que la musique n’est jouée que par l’interprète. En réalité, plus que jamais, nous avons pu prendre la mesure de l’importance des publics. La musique est une expérience partagée. Vivons-la ensemble.