Le bon ton

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Entretien avec Ton Koopman

Ton Koopman, claveciniste, organiste, chef d’orchestre et musicologue à la culture universelle, représente véritablement l’idéal des Lumières. C’est justement l’ère musicale dont il est le spécialiste, et il viendra guider l’Orchestre national du Capitole pour un concert dédié à trois grands compositeurs des répertoires baroque et classique : Bach, Mozart et Hummel.

Ton Koopman © Eddy Posthuma de Boer

Parlez-nous de ce programme, clairement dans votre répertoire de prédilection.

Le Requiem est évidemment un chef-d’œuvre ! Il n’est pas entièrement de la main de Mozart, qui travaillait encore sur cette pièce au moment de son décès. J’ai une préférence pour la version complétée par son élève Süssmayr, tout en essayant parfois d’en alléger un peu la couleur. La Suite pour orchestre n°3 de Bach est elle aussi fameuse, grâce à son Aria. Le public connaît moins le nom de Hummel, mais son Concerto pour mandoline est très bien écrit et il plaira assurément. J’apprécie beaucoup de proposer ainsi un mélange de compositeurs, qui fonctionnera très bien pour le public le plus large. Pour moi, Bach est le plus grand, mais il est important de montrer d’autres aspects de l’histoire de la musique. Il me plaît aussi de redécouvrir les œuvres grâce à de nouvelles collaborations. Ainsi, j’ai déjà dirigé le Concerto pour mandoline à plusieurs reprises, mais ce sera la première fois que je travaillerai avec le mandoliniste Julien Martineau, que je ne connais pour le moment que de nom. Je me réjouis d’avance de cette rencontre.

Le Requiem de Mozart fait partie des pièces les plus célèbres et les plus jouées du répertoire : avez-vous toujours le
même plaisir à le diriger ?

Bien sûr ! On est saisi par une telle émotion, dès le début, avec le solo de basson, et il y a aussi le Dies Irae, moment musical absolument spectaculaire qui rend ce « jour de colère » vraiment terrifiant. J’aime aussi les mouvements sur lesquels a plus particulièrement travaillé Süssmayr, à qui Mozart avait eu le temps de donner quelques indications, comme le Benedictus, une musique sublime. Le plateau vocal pour donner ce Requiem va bien fonctionner. Il mêle des chanteurs que je connais bien à d’autres avec qui je vais faire de la musique pour la première fois, ce qui me rend très heureux.

Vous dirigez parfois du clavecin : est-ce que ce sera le cas pour ce programme ?

Pas cette fois-ci, non. En dirigeant du clavecin, on gagne sur certains plans, on perd sur d’autres… En étant au pupitre, je vais pouvoir communiquer pleinement avec les artistes. Je vais essayer d’amener les musiciens de l’Orchestre du Capitole, qui jouent sur instruments modernes, à une manière de jouer un peu comme les « baroqueux », avec une autre notion du tempo, moins de vibrato, des phrasés différents. J’ai travaillé avec des ensembles américains comme le New York Philharmonic, l’Orchestre de Boston, celui de Chicago, et j’ai beaucoup aimé leur faire créer quelque chose d’autre que lorsqu’ils jouent Bruckner ou Mahler. L’idée, c’est de faire de la musique ensemble, et de s’amuser. S’amuser, oui, même si c’est un Requiem !

Vous êtes néerlandais, mais avec un lien très fort avec la France, semble-t-il ?

Quand on est pris de passion pour le répertoire musical des XVIe et XVIIe siècles, comme c’est mon cas, la France est un pays particulièrement important : elle compte certains des plus grands compositeurs de ce temps comme Couperin, Charpentier, Rameau. Je me sens très bien en France, notamment parce c’est un pays où l’on mange et où l’on boit bien. J’y ai une maison de campagne, dont j’apprécie la grande tranquillité. Néanmoins, je me plais aussi dans les grandes villes françaises comme Paris, Lyon et Toulouse.

Ah, vous connaissez donc déjà Toulouse !

Mes activités de claveciniste et d’organiste m’ont déjà amené ici, grâce à l’invitation de Jan Willem Jansen, un de mes anciens étudiants à Amsterdam. Je trouve la ville particulièrement belle. Mais ce sera mon premier concert avec l’Orchestre du Capitole.

Wolfgang Amadé Mozart par son beau-frère Joseph Lange vers 1782. Maison natale de Mozart, Salzbourg. © DR
Johann Sebastian Bach par Elias Gottlob Haussmann, Archives Bach, Leipzig. © DR
Johann Nepomuk Hummel par Möller, vers 1814. Goethe-Museum, Düsseldorf. © DR

Vous êtes aussi passionné par les livres anciens ?

J’ai commencé à les collectionner dès l’âge de treize ans, avec très peu d’argent, et je ne manque pas de me rendre dans les boutiques spécialisées dès que j’en ai l’occasion. Ma collection compte des ouvrages anciens de Molière, Racine et Rabelais, aux côtés de premières éditions de Couperin, mais aussi des estampes, gravures et autres dessins. Je considère qu’il faut non seulement connaître la musique, mais aussi tout ce qui se trouve autour, comme la littérature et la peinture.

Propos recueillis par Mathilde Serraille


LE CONCERT

Ton Koopman © Hans Morren

Immortel Requiem

Grand concert symphonique

Jeudi 26 et vendredi 27 octobre à 20h

Le film Amadeus a contribué à entretenir les légendes autour du Requiem, œuvre ultime du compositeur tant admiré. Commande passée par un inconnu inquiétant, tout droit venu de l’au-delà, musique fiévreusement jaillie de Mozart obsédé par ses funérailles : autant de légendes qui montrent l’aspect mythique de cette pièce, dont la puissance dramatique saisit à chaque écoute.