Tarmo, l’An un

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Tarmo Peltokoski n’a pas attendu le début de son mandat de directeur musical pour commencer à creuser son sillon avec l’Orchestre national du Capitole. Cette année d’ouverture s’inscrit donc dans une continuité, avec la poursuite de projets artistiques annoncés dès sa nomination, et qui se poursuivront sur plusieurs années : un pas de plus dans l’intégrale des symphonies de Vaughan Williams, et une programmation intelligente, qui sort des sentiers battus avec des œuvres captivantes peu données en concert, sans peur d’une certaine exigence.

Entretien avec Tarmo Peltokoski

Avant de parler de cette nouvelle saison, voulez-vous partager avec nous quelques beaux souvenirs de celle qui vient de s’achever ?

Notre tournée en Europe reste un excellent souvenir, même si, souffrant, je n’ai pas pu m’y consacrer avec autant d’énergie que je l’aurais souhaité. L’Orchestre s’y est remarquablement illustré, avec des concerts de haut niveau dans des salles fabuleuses. Il y aussi eu de grands moments de musique à Toulouse, évidemment ! Je pourrais faire la liste de tous nos concerts, mais pour en choisir une poignée, disons le Nouvel An avec la Neuvième Symphonie de Beethoven, la Sea Symphony de Vaughan Williams, et peut-être au-dessus de tout pour moi, la Symphonie n° 2 « Résurrection » de Mahler, ma symphonie préférée. Un moment vraiment inoubliable.

Le rideau de la saison 25/26 se lève sur un choix audacieux : la Turangalîla-Symphonie de Messiaen. Qu’est-ce qui vous a amené vers cette pièce ?

Ce concert d’ouverture marque une étape importante, avec le début de mon mandat de directeur musical de l’Orchestre. Une œuvre vraiment forte s’imposait pour l’inaugurer ! C’est aussi une façon de célébrer la musique française ensemble : pour moi, en prenant la direction d’un orchestre français, je dirais presque que c’était la Turangalîla ou rien ! L’orchestre doit travailler d’arrache-pied, chaque musicien a des millions de notes à jouer. Vu l’investissement demandé à chacun par cette symphonie, j’espère que nous rejouerons cette pièce extraordinaire à l’avenir. Nous avons invité le talentueux Bertrand Chamayou à venir donner la partie de piano solo. Il est bienvenu à deux titres : sa grande expertise de la musique de Messiaen et, bien sûr, ses racines toulousaines.

La Sea Symphony a posé le premier jalon d’une rencontre inoubliable avec Vaughan Williams. Cette fois-ci, ce sera la Symphonie n° 7 « Antartica ».

Peu jouée, cette symphonie s’inspire de l’histoire de l’expédition de Robert Falcon Scott. Elle nous rappelle à quel point la nature est immense et les humains minuscules, même sans défense, dans ce cas. On peut se préparer à son écoute en regardant le film L’Épopée du Capitaine Scott dont Vaughan Williams avait écrit la musique, qu’il a reprise pour en tirer cette symphonie. Ce n’est pas nécessaire non plus, car l’écoute en est spontanément accessible. Nous allons enregistrer la rareté qu’est l’Antartica pour Deutsche Grammophon, en l’associant avec l’œuvre peut-être la plus jouée du répertoire anglais : Les Planètes de Holst. Elles se suivront également dans notre calendrier à une semaine d’intervalle. L’Antartica et Les Planètes vont très bien ensemble pour plusieurs raisons. Je citerais déjà la grande amitié qui unissait Vaughan Williams et Holst. Et elles ont aussi un point commun étonnant : elles font toutes les deux intervenir un chœur féminin sans paroles, a cappella, en coulisses. L’accord parfait !

Un programme ne manque pas de surprendre parmi ceux sous votre direction : un concert polonais.

Je considère Witold Lutosławski comme le plus grand symphoniste de la deuxième moitié du XXe siècle, ni plus ni moins. Chostakovitch, dont je dirigerai aussi la Symphonie n° 10, pourrait rivaliser ; je le rattache cependant plus volontiers à la première moitié du XXe siècle. Lutosławski n’est pas assez reconnu. Il a composé quatre symphonies à une époque où ce n’était plus du tout en vogue, et toutes sont vraiment fantastiques. D’après moi, la Troisième a autant révolutionné la musique que Le Sacre du Printemps, ou la Turangalîla-Symphonie. J’ai toujours eu envie de la diriger, et c’est de cette pièce qu’a découlé l’idée d’un programme entièrement polonais. La pièce d’ouverture Thrène à la mémoire des victimes d’Hiroshima est un sommet du répertoire. Bien des mélomanes qui ne l’ont jamais entendue la connaissent tout de même pour son titre, très fort. Quant au Concerto pour piano de Chopin, il s’agit bien sûr d’une pièce appréciée de tous.

En feuilletant la brochure de cette saison, on est ébahi par la qualité des pianistes invités, avec de nombreuses stars internationales.

Et pour quel répertoire ! Nous avons souhaité programmer l’intégrale des concertos de Brahms, mon ami et compatriote Anton Mejias dans le premier, Beatrice Rana dans le second, et de Chopin, avec Mao Fujita et Nelson Goerner. C’est toujours un événement pour moi d’accueillir Yuja Wang, et nous compterons aussi sur des pointures comme Bertrand Chamayou et Alexandre Kantorow…

Vous citiez Anton Mejias : il a étudié à l’Académie Sibelius d’Helsinki, comme vous.

En effet. Je précise au passage que si mon ami Anton Mejias joue pour la première fois avec l’Orchestre du Capitole, les mélomanes toulousains ont déjà eu l’occasion de l’entendre : il a donné plusieurs récitals ici, notamment avec le grand maître du Lied, Matthias Goerne. Anton est passé par l’Académie Sibelius pour rejoindre rapidement le très prestigieux Curtis Institute où il a suivi l’enseignement de Gary Graffman, mentor de Yuja Wang et de Lang Lang. Une autre « ancienne » de l’Académie Sibelius prend part à notre saison : Outi Tarkiainen, dont Roberto Fores-Veses dirigera Mosaics. Je connais la musique de cette compositrice finlandaise pour avoir dirigé quelques-unes de ses œuvres, et je suis évidemment ravi que l’une d’entre elles soit à l’affiche !

En tant que directeur musical, comment vous impliquez-vous dans les programmes destinés aux jeunes ?

Le concert spécialement dédié aux étudiants représente l’un des grands événements de notre saison. En plus de ceux qui viennent remplir en nombre la Halle aux grains, nous donnons à de jeunes musiciens l’opportunité de jouer au sein même de notre fabuleux Orchestre. J’ai choisi cette année deux pièces parmi les plus profondes du répertoire classique : l’ouverture de Lohengrin de Wagner et la Symphonie n° 7 de Bruckner. Nous invitons ces étudiants à venir jouer avec nous : autant le faire autour d’un répertoire vraiment sérieux, différent de ce qu’ils auraient déjà pu aborder dans un autre cadre. En ce qui concerne plus spécifiquement le jeune public, je garde bien sûr un œil sur ce qui se passe, mais c’est avant tout notre équipe formidable qui déniche ces programmes.

Votre famille a fait récemment le voyage jusqu’à Toulouse. Quel effet cela vous a-t-il fait ?

J’en ai été ravi, surtout qu’ils sont venus entendre la Symphonie n° 2 de Mahler, ma favorite ! J’étais évidemment fier de présenter cet orchestre à ma famille, et de leur faire entendre ces musiciens avec lesquels je partage tant.

L’Orchestre et vous commencez à bien vous connaître, et il saute aux yeux et aux oreilles que votre harmonie se renforce.

Ce que nous créons ensemble me comble de bonheur. En répétition comme lors des concerts, l’Orchestre réagit toujours parfaitement à tout ce que je propose. Nous sommes en train de construire quelque chose de vraiment rare musicalement.

Propos recueillis par Mathilde Serraille

A venir

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    Crédits photos
    1. Tarmo Peltokoski © Romain Alcaraz
    2. Yuja Wang © Julia Wesely
    3. Anton Mejias © Jiyang Chen
    4. Académie d’Orchestre, 24/25 © Romain Alcaraz