Une rentrée pleine de classe

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Une rentrée pleine de classe

Entretien avec Tarmo Peltokoski

Pour son premier trimestre à la tête de l’Orchestre national du Capitole, Tarmo Peltokoski se voit déjà inscrit au tableau d’honneur ! Le jeune prodige choisit tout simplement les œuvres qui le font le plus vibrer, et nous montre immédiatement sa personnalité créatrice aussi sensée que sensible. De quoi aiguiser notre appétit et notre curiosité : son mandat nous promet bien des surprises, entre œuvres passionnantes et artistes invités triés sur le volet.

Bien que choisissant de grands chefs-d’œuvre du répertoire pour votre premier concert en tant que directeur musical désigné, vous arrivez à nous surprendre ! Comment vous est venue l’idée audacieuse d’associer le prélude de Tristan et Isolde de Wagner et la Symphonie n° 2 « Résurrection » de Mahler ?

J’ai déjà eu l’occasion d’expérimenter cette association et croyez-moi, elle marche fabuleusement. Pour le dire le plus simplement possible : ce concert rassemble deux des pièces qui me sont le plus chères dans toute l’histoire de la musique. Je n’ai de cesse de répéter que Wagner représente une véritable obsession pour moi. J’ai déjà dirigé certaines de ses ouvertures avec l’Orchestre du Capitole, et vous ne serez pas surpris d’apprendre que nous reviendrons fréquemment à son répertoire. De Tristan, nous ne jouerons ici que le prélude, mais cet opéra est mon œuvre favorite de Wagner, même de tout le répertoire… peut-être même de tout ce que l’être humain a créé ! Pour mon premier concert en tant que directeur musical désigné, je souhaitais donner une œuvre spectaculaire : la Symphonie n° 2 « Résurrection » de Mahler est tout indiquée pour cela. Et il s’avère qu’elle est en outre ma symphonie préférée ! Certes, j’aurais aussi pu opter pour la Symphonie n° 8, dite « des Mille », pour son aspect monumental, mais celle-ci nous imposerait d’envisager une autre salle que la Halle aux grains !

Votre deuxième concert propose une exploration du répertoire du XXe siècle avec un programme dédié à Chostakovitch, Berg et Schoenberg…

Parmi les anniversaires de 2024 figure la célébration des 150 ans de la naissance de Schoenberg. Il est donc important de programmer sa musique. Et bien sûr, Schoenberg et Berg vont bien ensemble. Les pièces au programme de cette soirée restent dans leur style premier, plutôt tourné vers le romantisme ; c’est celui qui parle le plus facilement. Je connais bien la Sonate de Berg, que j’ai beaucoup jouée en tant que pianiste. C’est une curiosité et en jouer une version orchestrée me semblait intéressant. Theo Verbey, qui l’a réalisée, a vraiment cherché à respecter le style de Berg dans cette pièce. Quant au troisième mouvement du Concerto pour violon n° 1 de Chostakovitch, la Passacaille, c’est peut-être la plus belle page qu’il ait jamais écrite. Et nous compterons sur une soliste extraordinaire avec la violoniste Patricia Kopatchinskaïa, qui n’était pas venue à Toulouse depuis plus de dix ans. Sa personnalité et sa présence sur scène absolument uniques en font une artiste que j’admire et adore, à tous points de vue. L’œuvre de Chostakovitch résonne particulièrement avec sa propre histoire : elle est moldave et a personnellement vécu l’expérience de la terreur sous le régime soviétique.

Egon Schiele, 1917. Neue Galerie, Museum for German and Austrian Art, New York.

Ne vous sentez-vous pas un peu intimidé de diriger la Symphonie n° 9 de Beethoven, sommet du répertoire révéré par les musiciens et les mélomanes, alors que vous arrivez à peine ?

Oh, non ! Ce sera surtout passionnant : ce sera la première fois que je dirige l’Orchestre du Capitole dans une œuvre de Beethoven. C’est même la première fois que j’aborde avec lui une œuvre d’un maître du style classique ! On ne peut pas rêver mieux pour commencer. En réalité, cette symphonie sort déjà du classicisme : Beethoven s’y oriente clairement vers le romantisme. Cela rend la pièce plus facile à aborder, en quelque sorte – plus qu’une symphonie de Haydn, par exemple. Nous nous inscrirons aussi dans une certaine tradition en jouant ce chef-d’œuvre pour les concerts du Nouvel An, comme le font d’autres orchestres.

Vous vous apprêtez donc à diriger plusieurs pièces chorales majeures en quelques mois : avez-vous une attirance spécifique pour ce type de répertoire ?

Gustav Mahler par Emil Orlik, 1902

Effectivement, cela peut surprendre… mais c’est en réalité purement fortuit ! J’ai choisi ces symphonies d’abord parce qu’elles me plaisent. D’autre part, oui, je suis très sensible à la voix : ma passion pour l’opéra n’est pas un secret. Je dirais donc plutôt que je m’intéresse à la musique sollicitant la voix avant tout, pas forcément à la musique chorale en soi. En plus des chœurs, ces symphonies font justement appel à des voix solistes. Nous avons porté un soin tout particulier au choix de leurs interprètes, même s’ils ne sont parfois sollicités que pour une courte durée. Silja Aalto et Wiebke Lehmkuhl seront parfaites dans la Symphonie n° 2 de Mahler. Pour la Symphonie n° 9 de Beethoven, nous aurons un formidable plateau de solistes : la soprano Rachel Willis-Sørensen qui triomphe partout dans le monde, la basse Albert Dohmen, que les wagnériens connaissent bien puisqu’il s’est déjà illustré à Bayreuth, et deux chanteurs finlandais que j’apprécie énormément, la mezzo Tuija Knihtilä et le ténor Tuomas Katajala. Pour revenir aux œuvres choisies, il y a une certaine cohérence à donner la « Résurrection » de Mahler et la Symphonie n° 9 de Beethoven durant la même saison, car elles sont les deux grandes symphonies chorales du répertoire. Nous savons par ailleurs à quel point Mahler vénérait Beethoven, et la Neuvième de son idole avait clairement servi de modèle à sa propre Deuxième. Elles ont un autre point commun : très longues (plus d’une heure chacune), elles ne font intervenir le chœur qu’à leur toute fin. Voilà qui m’amène vers une autre œuvre donnée cette saison : savez-vous quelle est la symphonie qui, la première, a sollicité le chœur d’un bout à l’autre ? La première symphonie de Vaughan Williams, A Sea Symphony, que nous jouerons en janvier !

Propos recueillis par Mathilde Serraille


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Tarmo peltokoski –
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