L’enfant prodige de ses talents
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Entretien avec Bertrand Chamayou
Si son agenda est rempli de concerts aux quatre coins du monde en tant que chambriste et soliste, le pianiste Bertrand Chamayou ne manque jamais de revenir poser ses valises sur le sol toulousain, dont il est natif, pour montrer les multiples facettes de son talent. Cet automne, il retrouve l’Orchestre du Capitole pour un chef-d’œuvre venu du Nord : le Concerto pour piano du Norvégien Edvard Grieg.
Entre l’Orchestre national du Capitole et vous, c’est une histoire d’amour qui dure !
En effet, mon premier concert avec l’Orchestre date d’il y a plus de vingt ans, avec le Troisième Concerto de Beethoven sous la direction de Michel Plasson. J’ai ensuite tissé une relation particulièrement fidèle avec l’Orchestre pendant le mandat de Tugan Sokhiev. Donc je pourrais dire que je suis en quelque sorte habitué, mais il est en réalité impossible de se sentir blasé. Les beaux lieux dans lesquels je joue à Toulouse, pour le Capitole comme pour les Grands Interprètes et le festival Piano aux Jacobins, les musiciens de l’Orchestre, même si beaucoup ont changé depuis tout ce temps… Cela correspond à l’environnement musical dans lequel je me suis construit en tant que spectateur, à un moment où j’étais encore loin de m’imaginer qu’un jour je jouerais avec l’Orchestre du Capitole, à la Halle aux grains. Donc, ne pensez pas que je me sente plus décontracté en jouant « à la maison » ! En réalité, je m’impose une pression très différente. Ce sont des moments uniques pour moi et je ne veux vraiment pas décevoir le public. Une chose dont je ne suis pas peu fier, même si je ne veux rien m’attribuer, c’est que le premier concert de Tarmo Peltokoski avec l’Orchestre ait été donné au Festival Ravel, dont je suis le directeur artistique. Ce premier contact a certainement été décisif pour la suite !
Le Concerto pour piano de Grieg est un grand classique : l’avez-vous souvent joué ?
Eh bien non, je n’ai interprété ce concerto en public qu’une seule fois, alors que j’étais en tout début de carrière ! Disons que je me suis toujours méfié des œuvres ultra jouées. Bien sûr, je joue le grand répertoire, mais j’ai souvent essayé de contourner certaines pièces qui me semblaient un peu galvaudées, en me disant que j’y reviendrais plus tard. Là, j’ai eu la sensation qu’il s’agissait du bon moment pour jouer ce grand concerto. Grieg a beaucoup de liens avec des compositeurs qui comptent particulièrement pour moi, comme Liszt, qui l’appréciait beaucoup. Grieg a aussi été un détonateur pour le répertoire français des XIXe et XXe siècles, avec une influence sur Debussy en particulier, ainsi que sur Ravel, peut-être un peu plus tardivement. C’est donc un univers dans lequel je me sens à l’aise, et qui s’associe bien à mon répertoire naturel.
Vous avez enregistré une très courte pièce pour piano de Grieg, dans votre album Good Night !
J’ai consacré un album à des berceuses venues du monde entier, et il s’y trouve cet extrait des Pièces Lyriques de Grieg. Elles sont très peu jouées, et défendues surtout par les pianistes nordiques comme mon ami Leif Ove Andsnes, à tort car il s’agit vraiment d’une belle musique. Cette berceuse est la seule pièce de Grieg que j’aie enregistrée à ce jour. Si cette contribution au disque reste anecdotique, je joue beaucoup son œuvre en réalité, notamment en musique de chambre, les sonates pour violon et piano, par exemple.
Est-ce la première fois que vous jouerez sous la direction de Ryan Bancroft ?
Oui, ce sera une grande découverte. J’ai immédiatement accepté de jouer sous sa direction car j’ai entendu beaucoup de bien de lui, notamment de la part de l’Orchestre philharmonique royal de Stockholm dont il est le nouveau directeur musical. Je connais bien cet ensemble pour avoir beaucoup joué avec lui sous la baguette de son prédécesseur, le chef Sakari Oramo. Je suis toujours curieux de faire de nouvelles rencontres, et je me sens en confiance quand il s’agit d’artistes aimés par des personnes avec qui je m’entends bien.
Vous êtes fin gastronome. Avez-vous des adresses favorites à Toulouse ?
Chez ma mère ! J’adore replonger dans l’enfance en mettant les pieds sous la table familiale, et me laisser préparer de bons petits plats, dont une spécialité que j’adore par-dessus tout : la saucisse de Toulouse. Dans la gastronomie, j’aime beaucoup de choses, et la simplicité en fait aussi partie.
Propos recueillis par Mathilde Serraille
LE CONCERT
Paysages scandinaves
Grand concert symphonique
Vendredi 13 octobre à 20h
Pour ce programme mettant le cap vers la Scandinavie, Bertrand Chamayou donne le Concerto pour piano de Grieg, sommet de virtuosité séduisant par ses réminiscences de danses norvégiennes et son lyrisme évoquant les sublimes paysages nordiques. Le chef Ryan Bancroft a choisi Liguria de la Suédoise Andrea Tarrodi, présentée pour la première fois en France, et la trop rare Symphonie n°4 du Danois Nielsen, dite « L’Inextinguible », puissante palpitation de vie faite de musique.