Entretien avec Thierry Escaich

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Entretien avec Thierry Escaich

un lumineux hommage à Fauré

Compositeur, organiste, pédagogue : trois facettes de la personnalité artistique de Thierry Escaich qu’il partage avec l’immense Gabriel Fauré. En cette année 2024, qui marque le centenaire de la disparition de Fauré, Escaich rend hommage, avec Towards the Light, à celui qui a profondément transformé la musique française. La première aura lieu à la basilique Saint-Sernin, un écrin exceptionnel pour cet événement musical qui associera l’oeuvre nouvelle à son ascendant musical : le Requiem de Fauré.

Quelle est l’histoire de cette création ?

Towards the Light est né de deux impulsions, initiées à peu près au même moment : l’Orchestre de Paris me contactait pour une commande alors même que Jean-Baptiste Fra me demandait de rendre hommage à Fauré avec une œuvre qui prolonge, en quelque sorte, son célèbre Requiem. Nous avons donc lié les deux projets. Pour ce faire, j’ai repris l’effectif orchestral de la version 1900 du Requiem, contrainte qui a aidé à m’inspirer. Il est un peu plus imposant que celui de la version précédente, tout en conservant une caractéristique surprenante : il ne requiert pas de hautbois ! En revanche, bien qu’il n’y ait que des timbales dans le Requiem, j’ai pris la liberté d’ajouter quelques percussions car cela allait de pair avec mon idée de couleur et de lumière. Je trouve intéressant que le même effectif puisse être traité différemment selon les périodes : à notre époque, nous pouvons faire sonner un orchestre d’une autre façon, essayer de trouver d’autres couleurs, avec les mêmes instruments. Je vais par exemple chercher un autre rapport entre l’orgue et l’orchestre, entre la harpe et l’orchestre.

Portrait de Gabriel Fauré par Henry Farré, vers Musée Carnavalet, Paris. © DR

Pourquoi ce titre, Towards the Light (Vers la lumière), et pourquoi avoir choisi l’anglais pour celui-ci ?

Le fait qu’il n’y ait pas de mouvement intitulé Lux Aeterna dans le Requiem de Fauré m’a intéressé. Il sera la pièce centrale de mon œuvre, j’en emploierai même le thème grégorien. Towards the Light, sorte de grande arche en trois mouvements, décrit un processus vers la lumière, depuis les ténèbres en passant par un éveil à la lumière, qui se trouve au centre de la pièce, et pour conclure, une sorte de vision après la mort. J’ai choisi des textes issus de multiples cultures : des psaumes, des textes issus de la culture amérindienne, voire de simples phrases, une de François Cheng notamment. Ils seront chantés en trois langues, prioritairement le latin, ainsi que le français et l’anglais. Pour la partie centrale, celle de l’accès à la lumière, j’ai privilégié l’anglais car je trouve que cette langue a une énergie particulière qui convient particulièrement à cette phase-là. J’ai effectué un énorme travail sur le choix des textes, et si le résultat n’est certes pas aussi abouti que peut l’être un livret d’opéra, il s’y dessine clairement une dramaturgie qui se ressentira à l’écoute.

Vous connaissez bien l’Orchestre national du Capitole, comme compositeur autant qu’interprète…

En effet, j’ai notamment vécu une expérience très singulière. Je jouais sur l’orgue de la Cathédrale Saint-Étienne pendant que l’Orchestre se produisait à la Halle aux grains. Ainsi, nous avons pu faire sonner cet orgue dans une belle salle grâce à une liaison radiophonique, au lieu de devoir choisir un autre instrument. L’Orchestre du Capitole a aussi programmé plusieurs de mes œuvres, notamment la suite symphonique sur mon opéra Claude, qui avait alors été dirigée par Kazuki Yamada : j’ai toute confiance en ce chef engagé et précis pour la création de Towards the Light.

Quels liens vous sentez-vous avec Fauré ?

Il m’arrive souvent d’improviser dans son style. Lorsque j’étais étudiant au Conservatoire, bon nombre de mes professeurs d’harmonie portaient encore pleinement son héritage. Sa poésie harmonique a baigné toute une école française. Nous partageons aussi un certain rapport à la mystique. Et puis nous avons en commun des racines ariégeoises ! Il est à né à Pamiers, et j’ai quant à moi une véritable assise familiale à Lescure, dans la région de Couserans, où j’aime me ressourcer.

Propos recueillis par Mathilde Serraille


LE CONCERT

Kazuki Yamada

Concert événement

Mer. 9, jeu. 10 et ven. 11 octobre 2024

Invité régulier de l’Orchestre national du Capitole, Kazuki Yamada convie un plateau franco-japonais, avec le Chœur Philharmonique de Tokyo dont il est le directeur musical. Ce chef francophile dirigera, le célèbre Requiem de Fauré, la charmante Petite Suite de Debussy et une toute nouvelle œuvre du compositeur et organiste Thierry Escaich.