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Entretien avec Frank Peter Zimmermann
Interprète à la discographie impressionnante, Frank Peter Zimmermann brasse absolument tout le répertoire, sans limite de style ou de forme : il a enregistré tous les concertos majeurs du répertoire, de Bach à Ligeti, et pratique aussi bien son art seul qu’en musique de chambre, comptant parmi ses partenaires de jeu le pianiste Martin Helmchen ou l’altiste Antoine Tamestit. Il est aussi un épicurien, qui s’apprête à faire ses délices du magnifique concerto de Brahms, autant que des saveurs occitanes !
Vous n’étiez pas venu jouer avec l’Orchestre national du Capitole depuis 2015 : êtes-vous heureux de revenir enfin à Toulouse ?
En réalité, je suis repassé par Toulouse depuis ce concert, mais pas pour jouer : pour mon pur agrément personnel ! Je suis très francophile. Ma femme et moi aimons nous lancer dans une sorte de tour de France gastronomique annuel, au cours duquel nous essayons de toujours faire de nouvelles découvertes. Nous avons déjà visité l’Alsace, Beaune, La Rochelle, la côte méditerranéenne et, donc, Toulouse, qui est d’après moi l’une des plus belles villes de France.
Qu’en est-il de l’Orchestre ?
J’ai vraiment adoré jouer avec l’Orchestre du Capitole ! Notre première rencontre date des années 1990, avec Michel Plasson à la baguette. Et j’aime aussi énormément la Halle aux grains ! On sent une réelle alchimie entre l’Orchestre, sa salle et son public. C’est assez unique. Et l’Orchestre en lui-même est excellent.
Parlez-nous du concerto de Brahms. Vous allez beaucoup le jouer en peu de temps !
En effet, je me lance dans une grande série. Je vais jouer ce concerto plusieurs fois cette année, à Vérone, Berlin, Toronto, Montréal… Avant cela, j’ai fait une petite pause au cours de laquelle je l’ai un peu mis de côté. Il faut dire que c’est un concerto très apprécié, et il faut donc se méfier : on risquerait de se lasser en le jouant trop, alors que c’est un véritable chef-d’œuvre. Il transmet des émotions qu’on ne trouve que chez Brahms, et même, que dans cette pièce de Brahms en particulier. Le tout début du deuxième mouvement, par exemple, avec ce sublime passage donné aux vents… Il n’est pas rare que les larmes me viennent aux yeux en le jouant, même en le connaissant si bien. En me procurant récemment un livre consacré à Debussy, j’ai découvert qu’il avait entendu le Concerto de Brahms par le concert Colonne, avec Leopold Auer, dédicataire du concerto de Glazounov, et qu’il en avait parlé comme d’un « monopole de l’ennui ». Fauré avait le même sentiment… Alors qu’aujourd’hui, Brahms est très apprécié en France.
Ces commentaires peu amènes rappellent une anecdote : en entendant la Sonate d’Ysaÿe à la radio, vous la trouvez un peu ennuyeuse. Et quand on en annonce l’interprète… c’est vous !
Eh oui ! C’était un enregistrement où j’étais encore très jeune, qui remontait à une trentaine d’années. Quand vous avez 20 ou 25 ans, forcément, vous n’avez pas la même approche !
Vous allez jouer ce concerto sur un violon exceptionnel, le Stradivarius « Lady Inchiquin »…
Ce violon et moi, c’est une histoire d’amour qui dure maintenant depuis près de 23 ans ! J’ai beaucoup de chance de l’avoir à nouveau auprès de moi. Il m’a été retiré pendant deux ans, en raison de la faillite de la banque qui me le prêtait. J’aurais aimé le racheter mais il m’était impossible de débourser la somme nécessaire. Le gouvernement allemand a lutté pour le garder, et nous sommes à nouveau réunis.
Accepteriez-vous de nous révéler les lieux où vous allez profiter de la gastronomie toulousaine ?
Une balade au marché couvert s’impose ! Quand je joue dans une ville, j’en repars en connaissant systématiquement deux lieux : la salle de concert et le marché. Je n’ai pas forcément de nom de restaurant en tête, et je ne pense pas nécessairement à un étoilé : la cuisine locale est absolument savoureuse ! Les vins de la région, également. En Allemagne, on entend surtout parler des Bordeaux et Bourgogne, moins des Cahors qui le mériteraient pourtant. Mais pour en profiter comme il se doit, j’attendrai que le concert soit passé : discipline, discipline, discipline !
Propos recueillis par Mathilde Serraille
LE CONCERT
Brahms en majesté
Grand concert symphonique
vendredi 19 avril à 20h
Attention, événement : l’immense violoniste Frank Peter Zimmermann revient à Toulouse après dix ans d’absence ! Et il donnera l’un des concertos pour violon les plus célèbres, celui de Brahms, dont les inspirations tziganes séduisantes et la belle cantilène centrale justifient pleinement la popularité.