Lio Kuokman, de l’Asie aux Etats-Unis
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En six ans à peine, Lio Kuokman s’est imposé comme l’un des grands chefs internationaux. Le 24 septembre, il sera à la tête de l’Orchestre national du Capitole pour Une Symphonie alpestre de Strauss, et nous l’y retrouverons les 30, 31 décembre et 1er janvier pour un concert de Nouvel An exceptionnel, sous le signe de Broadway. Retour sur une carrière fulgurante qui a pourtant connu bien des chemins de traverse !
Né à Macao, Lio Kuokman découvre l’orchestre à l’âge de quatre ans en compagnie de sa mère mélomane dans une ville où la saison symphonique est restreinte et les possibilités de formation musicales limitées. C’est d’abord par le piano que le jeune enfant accède à la musique. En 1996, un prix remporté à Macao lui permet d’intégrer la Hong Kong Academy for Performing Art. « J’ai eu une formation de piano correcte à Macao, mais j’étais terriblement ignorant de tout le reste. Avant de venir à Hong Kong, je ne savais même pas combien de concertos pour piano Chopin avait écrits ! » En dépit de cette formation pianistique de haut niveau – et le chef se produit régulièrement en soliste –, c’est bel et bien la direction d’orchestre qui intéresse le jeune étudiant.
Après avoir intégré aux États-Unis la prestigieuse Juilliard School of Music en piano puis au Curtis Intitute of music et au New England Conservatory pour la direction d’orchestre, Lio Kuokman est d’abord engagé dans un orchestre proche de Philadelphie. Mais en 2009, au plus fort de la crise financière, une semaine avant les débuts du jeune chef, l’orchestre fait faillite ! En 2014, Kuokman est nommé chef adjoint de l’Orchestre de Philadelphie, avant de remporter, la même année, le deuxième prix du Concours Svetlanov. Entre son Asie natale et les États-Unis, Lio Kuokman incarne aujourd’hui une génération de chefs internationaux, ayant intégré toute l’exigence du grand répertoire au côté de figures telles que Sir Simon Rattle.
Après l’avoir entendu dans Richard Strauss, Piotr Ilitch Tchaïkovski et Unsuk Chin en septembre, le public toulousain pourra découvrir une toute autre facette du musicien. Lio Kuokman dirigera le concert de fin d’année placé sous le signe de Broadway et qui célèbre le génie de Leonard Bernstein et George Gershwin. Une très belle manière de rappeler que la formation américaine du chef intègre aussi des genres populaires, de la comédie musicale au jazz, et que la musique des États-Unis est bel et bien sa deuxième langue natale !
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Strauss sur les cimes
Entretien avec Lio Kuokman
Il avait été finaliste du très prestigieux concours Svetlanov : depuis plusieurs saisons, Lio Kuokman s’impose à la tête de phalanges internationales, parmi lesquelles l’Orchestre national du Capitole. Sa présence en ouverture de saison est l’occasion de l’interroger sur l’un de ses répertoires d’élection, le post-romantisme germanique.
Votre relation avec les musiciens du Capitole remonte déjà à plusieurs saisons. Entre vos débuts à Toulouse et votre perception de l’Orchestre aujourd’hui, quelle évolution percevez-vous ?
Dès ma première répétition avec l’Orchestre national du Capitole autour de la Symphonie n° 3 de Robert Schumann, j’ai ressenti une alchimie unique. Puis il y a eu les concerts à Toulouse, suivis par une tournée en Arabie Saoudite et tout ceci n’a été que des bons souvenirs au fur et à mesure desquels j’ai senti que je comprenais de mieux en mieux ces incroyables musiciens. Cet orchestre possède une façon si singulière, si élégante de respirer et de jouer ensemble, que faire de la musique en sa compagnie me procure une joie profonde.
Vous aviez déjà dirigé Strauss à Toulouse. Qu’aimez-vous particulièrement dans l’écriture de ce musicien ?
J’ai appris à comprendre la musique de Richard Strauss grâce à mon professeur de direction à Philadelphie, Otto-Werner Mueller. Il avait directement étudié avec Strauss et avait travaillé sous sa direction. Il m’a souvent dit que Strauss, comme chef d’orchestre, avait une passion pour la musique de Mozart. Et de fait, même si la musique de Strauss peut apparaître comme extrêmement complexe, elle ne perd jamais cette beauté de ligne vocale et une forme de simplicité, d’évidence, en dépit de toute son intensité dramatique.
▲ Interview de Lio Kuokman – Concert du 16 octobre 2020 – Programme : Beethoven – Triple concerto pour violon, violoncelle et piano | Strauss – Le chevalier à la rose
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la Symphonie alpestre ?
J’adore la musique de Richard Strauss et celle-ci pourrait être l’une de mes préférées. À travers le récit d’une journée en pleine nature à la montagne, la musique pose des questions véritablement existentielles : puissance de l’Homme, désir de liberté, culte de l’Éternel.
Vous êtes également pianiste. Jouer en soliste ou diriger relève-t-il du même type d’engagement musical ? Quels points communs et quelles différences percevez-vous entre les deux exercices ?
J’aime toujours jouer du piano avec les musiciens car cela relève pour moi de la même philosophie que la direction d’orchestre. Nous sommes ici pour faire de la musique ensemble ; s’écouter et communiquer à travers des idées musicales.
Votre formation, entre votre Asie natale et les États-Unis où vous avez étudié, est très internationale. Comment voyez-vous un orchestre français aussi historique que le Capitole, le son de cet effectif, ses répertoires, ses modes de fonctionnement ?
Il me semble que votre question montre combien la musique est une langue internationale. Et il s’agit de communiquer ses sentiments à l’autre. J’ai découvert l’histoire de l’Orchestre du Capitole à travers les fabuleux enregistrements de Michel Plasson, que je respecte tant. Le son créé par le chef et les musiciens me reste aujourd’hui encore profondément dans l’esprit. C’est vers ce type d’équilibre que j’aimerais tendre dans mon interprétation de la partition. Et que cette création sonore dépasse tout ce que j’aurais pu imaginer !
Propos recueillis par Charlotte Ginot-Slacik