Nouvelle saison, nouvelle aurore
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Entretien avec Tarmo Peltokoski et Jean-Baptiste Fra
Nous nous rencontrons alors que vous venez de présenter la saison 24/25 au public toulousain, sur le podium de la Halle aux grains. Comment avez-vous perçu ce moment ?
Tarmo Peltokoski : Il s’agissait de ma toute première présentation de saison, évidemment un moment très fort. Voir tant de personnes réunies pour ce rendezvous m’a beaucoup touché, et m’a fait percevoir une nouvelle fois à quel point les Toulousains sont attachés à leur orchestre. J’espère bien sûr que la salle sera (au moins) aussi comble pour nos concerts ! J’ajoute que personnellement, outre l’accueil chaleureux du public, j’apprécie énormément le climat de confiance qui s’est déjà instauré avec les musiciens de l’Orchestre, ainsi qu’avec toutes les équipes, jusqu’au Maire, que j’ai déjà pu rencontrer plusieurs fois. Voir toutes les conditions réunies pour une belle histoire ensemble me rend vraiment impatient de commencer cette aventure.
Jean-Baptiste Fra : Avant d’arriver à cet instant, il y a des heures d’effort de la part des équipes administratives et techniques, avec beaucoup de réflexions, de discussions, de poussées d’adrénaline et de sueurs froides. C’est donc à la fois un plaisir de révéler le fruit de notre travail, et une grande fierté d’avoir mis sur pied une saison d’une telle qualité. Nous sommes certains que le public nous suivra et viendra nombreux applaudir cette belle et riche saison.
La saison 24/25 ouvre à une grande diversité d’époques, de pays et d’esthétiques…
Tarmo Peltokoski : On commence à savoir quels compositeurs j’idolâtre : Wagner, Mozart… Ils figureront bien sûr au programme de mes concerts. Pour cette saison, je dirigerai beaucoup de musique germanique et française, peu de musique russe et finlandaise, mais j’y viendrai. Je tiens aussi à mettre en lumière Ralph Vaughan Williams, dont nous donnerons l’intégralité des symphonies au cours de mon mandat. Je suis persuadé que tous ceux qui viendront entendre sa Sea Symphony, en janvier, voudront découvrir les huit autres ! C’est vraiment de la grande musique. Quant aux solistes invités, je partagerai la scène avec des artistes que j’admire et avec qui je joue régulièrement, comme Sol Gabetta et Patricia Kopatchinskaïa. Il reste encore quelques noms sur ma liste rêvée d’artistes à inviter, nous y travaillons pour les saisons futures !
Jean-Baptiste Fra : Il faut vraiment que l’Orchestre touche à tout : musique française, allemande, russe, baroque, classique, avec bien sûr les grands Viennois, et aussi contemporaine. Nous avons de plus la chance de faire venir de grands spécialistes de certains répertoires, comme Ton Koopman pour la musique baroque, Ricardo Minasi ou Maxim Emelyanychev pour le classique, ou encore Josep Pons et Kazuki Yamada pour la musique française. Dans d’autres styles, nous ne pouvions pas imaginer plus fabuleux pianiste que Mikhaïl Pletnev pour donner l’intégralité des concertos de Rachmaninov, ou meilleur interprète qu’Emmanuel Pahud pour le Concerto pour flûte de Dalbavie dont il est dédicataire. En plus des valeurs sûres, dont le talent est reconnu depuis de nombreuses années, nous tenons à convier des étoiles montantes de la jeune génération, comme les cheffes Elim Chan et Marie Jacquot ou le violoniste Bogdan Luts. Nous restons aussi au plus près des jeunes pousses locales, avec des programmes impliquant des étudiants du Conservatoire de Toulouse, de l’isdaT et de la Maîtrise de Toulouse.
La série « Happy Hour » se poursuit, avec la découverte de trois instruments de l’orchestre : le violoncelle, le basson et le trombone. Mais surprise, on y voit aussi un « Happy Hour du chef », avec un programme spécialement sélectionné par Tarmo Peltokoski !
Tarmo Peltokoski : J’ai choisi d’y associer des compositeurs de mon pays, la Finlande, avec de grands maîtres français. Les pièces d’Esa-Pekka Salonen et de Kaija Saariaho ne durent qu’une dizaine de minutes, cela tient donc plutôt de l’aperçu de ces compositeurs contemporains, un amuse-bouche si vous voulez. L’oeuvre de Messiaen me touche beaucoup et j’ai opté pour Le Tombeau resplendissant, qui est aussi une sorte de rappel de notre toute première rencontre avec l’Orchestre du Capitole, car nous avions joué ses Offrandes oubliées. Quant à La Mer… je la considère comme l’une des plus grandes oeuvres symphoniques du répertoire.
Jean-Baptiste Fra : Ce format d’une heure sans entracte est parfait pour aller à la rencontre des instruments de l’orchestre autant que des fabuleux musiciens de l’Orchestre du Capitole. Notre violoncelle solo Pierre Gil a préparé un programme alléchant avec la complicité de tout son pupitre. Nous inviterons la talentueuse bassoniste Sophie Dervaux, mais au lieu de jouer de son instrument, qu’elle pratique à l’Orchestre Philharmonique de Vienne après un temps au Philharmonique de Berlin, elle prendra la baguette pour diriger le concert. Et comme l’Orchestre est une grande famille qui garde des liens forts avec ses anciens, nous convions Joël Vaïsse, tromboniste dont la riche carrière compte quelque temps au Capitole. Il jouera aux côtés de Louise Ognois et David Locqueneux, musiciens actuellement en activité chez nous.
L’Orchestre s’investit dans la création contemporaine : on note deux commandes au programme…
Jean-Baptiste Fra : Le génie de Gabriel Fauré suffit à nous inciter à jouer fréquemment sa musique, mais 2024 marque les cent ans de sa mort : raison supplémentaire de le célébrer. C’est d’autant plus important pour nous, Occitans, qu’il est né à Pamiers, dans l’Ariège ! Il nous a semblé tout naturel de passer commande à Thierry Escaich, qui non seulement a lui aussi des racines ariégeoises, mais est organiste comme Fauré, et tout simplement l’un des plus grands compositeurs français contemporains. Le Requiem de Fauré sera donné avec cette nouvelle oeuvre à la basilique Saint-Sernin. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce sera le premier concert donné par l’Orchestre du Capitole dans ce joyau du patrimoine toulousain. La commande passée à Thierry Caens d’un Concerto pour trois trombones, joué lors du Happy Hour de mars, se place dans un contexte beaucoup plus léger, plutôt de l’ordre du clin d’oeil. Elle plaira beaucoup au public.
Cette saison offre également une belle série de concerts Jeune Public et de concerts-fantaisie, proposition dont le succès ne se dément pas depuis plusieurs saisons…
Jean-Baptiste Fra : Nous retrouvons Élodie Fondacci et Jean-François Zygel, qui nous font l’honneur et le plaisir de venir régulièrement à Toulouse depuis plusieurs saisons déjà pour des expériences sous le signe de l’échange et de la créativité. Nous avons aussi programmé un spectacle littéralement fou : le Berlioz Trip Orchestra nous fait en effet entrer dans la tête de Berlioz en pleine composition de la Symphonie fantastique. L’orchestre, cherche et trouve autour du monde, spectacle issu d’un livre, captivera les plus petits. N’oublions pas non plus les ciné-concerts. Du Grand Méchant Renard au premier volet de Star Wars, en passant par Le Dictateur de Chaplin, il y en a pour tous les goûts. Nous jouerons aussi un programme dédié à Ennio Morricone. Les Toulousains auront la primeur de certaines pièces qui n’ont encore jamais été données en concert. Cette saison, nous portons également un projet exceptionnel, avec la sortie d’un livre sur l’orchestre à destination des 9-12 ans, dont la parution est prévue en septembre.
L’Orchestre a annoncé une grande tournée internationale, dans les salles européennes les plus prestigieuses : Philharmonie de Berlin, ElbPhilharmonie de Hambourg… En quoi cela vous semblet- il important pour l’Orchestre ?
Tarmo Peltokoski : Grâce aux tournées, les musiciens font l’expérience d’autres salles. Bien que l’attachement des Toulousains à la Halle aux grains soit légitime, et que l’atmosphère y soit absolument unique, il faut reconnaître qu’elle n’est pas acoustiquement la plus adaptée à certains répertoires. Quand nous avons joué au Concertgebouw, je me souviens de ce plaisir évident des musiciens en découvrant cette acoustique un peu plus flatteuse. Et même si l’Orchestre du Capitole est déjà reconnu comme un ensemble de très haut niveau, il peut encore gagner des galons et se faire connaître comme une phalange encore plus prestigieuse. Nous devons travailler à sa reconnaissance, en le faisant briller à Paris mais aussi à l’international.
Jean-Baptiste Fra : Nous prenons notre rôle d’ambassadeurs culturels de la ville très au sérieux ! Partir en tournée suscite, à juste titre, une immense fierté chez nos musiciens et nos équipes. Artistiquement, les tournées sont très enrichissantes. En effet, les programmes sont seulement donnés une fois, parfois deux, à Toulouse, alors qu’en déplacement, les mêmes oeuvres sont jouées à de nombreuses reprises. Cela permet aux musiciens et à leur directeur musical d’aller vraiment loin artistiquement, et de mieux se connaître.