Une sensationnelle ascension
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Entretien avec Petr Popelka
Originaire de Prague, Petr Popelka commence sa carrière de musicien en tant que contrebassiste à la Staatskapelle de Dresde. Également pianiste et compositeur, il décide d’enrichir encore sa palette musicale en étudiant la direction d’orchestre… Quelques années suffisent pour le consacrer, jusqu’à sa récente nomination au Wiener Symphoniker.
L’Orchestre national du Capitole convie une nouvelle fois ce prodige pour un programme aux côtés du violoncelliste Truls Mørk.
Vous avez réussi à vous imposer en tant que chef d’orchestre en très peu de temps, alors que vous étiez déjà musicien professionnel. Comment se sont passés vos débuts ?
Après des années à jouer de la contrebasse en orchestre, j’ai commencé à m’engager sérieusement dans la voie de la direction en 2015. En 2018, j’ai participé à une compétition internationale de chefs d’orchestre où les candidats dirigeaient le Danish National Symphony Orchestra. J’en suis reparti bredouille, mais ma prestation a éveillé l’intérêt des musiciens de l’orchestre et j’ai été invité à diriger un concert jeune public à Copenhague. De fil en aiguille, l’Orchestre de la Radio norvégienne m’a lui aussi contacté pour un spectacle. Coup de chance : je l’ignorais, mais l’orchestre cherchait son futur directeur musical. Nous avons passé une semaine merveilleuse ensemble, et le poste m’a été proposé presque immédiatement. À partir de là, j’ai décidé que le moment était venu de me consacrer pleinement à la direction d’orchestre.
Pour vous qui êtes né et avez été formé à Prague, diriger la musique de Dvořák a-t-il un sens particulier ?
Bien sûr ! Je connais sa musique sur le bout des doigts depuis que je suis tout petit, et ma culture tchèque me le rend très proche ! Mais je n’y place pas trop d’affect non plus. La Symphonie n°6 de Dvořák figurait au programme de mon premier concert avec l’Orchestre du Capitole. Pour cette deuxième invitation, nous allons donner son ouverture Carnaval. Bourrée de joie et d’énergie, elle est vraiment idéale pour commencer un concert ! En République tchèque, tout le monde connaît cette pièce que Dvořák a composée et dirigée juste avant de quitter son pays pour New York, en guise d’adieu. Elle est magnifiquement écrite, avec un sublime passage central soutenu par le cor anglais.
Est-ce la première fois que vous allez travailler avec Truls Mørk, qui va jouer la partie de violoncelle du Concerto n°2 de Chostakovitch ?
Oui, après un premier rendez-vous manqué. Nous avions prévu de jouer ensemble en Suisse (le Concerto pour violoncelle de
Dvořák, d’ailleurs), mais je suis tombé malade et j’ai dû me retirer du concert… puis, c’est lui qui a dû annuler son engagement
au même concert ! Alors je croise les doigts pour que tout se passe comme prévu cette fois-ci. J’ai déjà dirigé les deux concertos pour violoncelle de Chostakovitch. Il est incroyable de voir à quel point son écriture peut être différente pour deux concertos dédiés au même instrument. Il en va d’ailleurs de même pour ses deux concertos pour violon. Ma préférence va au Concerto pour violoncelle n°2, c’est vraiment une musique très forte.
Le programme s’achève sur une version de la suite de Roméo et Juliette de Prokofiev que vous avez vous-même mise en forme.
Si les extraits ne suivent pas l’ordre des trois suites de Prokofiev, nous respecterons la chronologie de l’histoire de Shakespeare, à une exception près : nous conclurons par la mort de Tybalt, pour sa puissance dramatique.
Parvenez-vous toujours à composer ?
Je compose depuis très longtemps. À l’adolescence, en pleine période d’adoration pour Chostakovitch, j’écrivais dans son style, puis j’ai eu ma période « Seconde École de Vienne », avant de me rendre compte que le style dodécaphonique n’était pas vraiment fait pour moi… Je compose essentiellement pour des proches : des amis de l’Orchestre de Hambourg ont par exemple joué récemment un quatuor à cordes écrit pour eux. Mais même si je le regrette, j’ai désormais un peu de mal à poursuivre cette activité !
Propos recueillis par Mathilde Serraille
LE CONCERT
Roméo et Juliette
Grand concert symphonique
jeudi 15 février à 20h
Prokofiev fait partie des compositeurs qui se sont emparés de la tragédie de Roméo et Juliette avec le plus de brio, comme l’illustre la célèbre Danse des chevaliers. Quant au Concerto pour violoncelle n°2 de Chostakovitch, le public aura la chance de pouvoir l’entendre dans l’interprétation du violoncelliste danois Truls Mørk.