Ô Toulouse
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Trois prophètes en leur païs !
L’Orchestre et l’Opéra national du Capitole sont au cœur de la vie artistique toulousaine. Riche d’une longue tradition musicale ancrée dans le territoire, la maison Capitole ne se contente pas d’un glorieux passé mais s’ouvre au présent et envisage l’avenir en synergie avec la vitalité culturelle de la Métropole et de la région. Car la musique est partout à Toulouse, non seulement à la Halle aux grains et au Théâtre, mais au Conservatoire et à la Maîtrise, dans le cœur des enfants du pays qui font de grandes carrières et même dans celui des joueurs du Stade Toulousain qui lient amitié avec l’Orchestre ! Témoins de cette richesse, de grandes personnalités ont accepté de revenir sur leur attachement au Capitole et à leur ville.
Un concerto pour guitare à l’affiche d’un programme classique représente déjà une rareté, une pièce en première mondiale, également ; quant à un concerto 100% occitan, c’est absolument exceptionnel ! Trois artistes toulousains, le compositeur Benjamin Attahir, le chef d’orchestre Pierre Bleuse et le guitariste Thibaut Garcia uniront leurs talents pour la création du Concerto pour guitare, le 17 mars prochain. Voilà une œuvre pour laquelle le jeu de mains sera définitivement un jeu de Toulousains.
Parlez-nous du Conservatoire de Toulouse, où vous avez suivi vos études musicales.
Benjamin Attahir : J’ai intégré les classes à horaires aménagés dès l’enfance, et chanté dans la Maîtrise de l’Opéra. À l’adolescence, j’ai commencé à écrire un peu de musique. Quand ma sœur s’en est rendu compte, elle a montré mon travail à Guy Sarla, professeur d’écriture au Conservatoire. J’ai continué mon parcours en violon et en écriture à Toulouse, jusqu’à la terminale où je suis parti à Paris. Le Conservatoire de Toulouse offre une formation « à l’ancienne », avec une vraie volonté de maintenir un haut niveau. Cet enseignement porte ses fruits, au vu du nombre d’étudiants qui poursuivent ensuite leur parcours au Conservatoire de Paris.
Pierre Bleuse : Je suis assez fier de dire que mon père, en tant que directeur du Conservatoire de Toulouse, y a accompli un travail remarquable. L’établissement reste à ce jour l’un des meilleurs en France. Des personnalités musicales de haut vol sont venues y enseigner quand j’y étudiais le violon, et nous étions impliqués dans des projets ambitieux : très tôt, nous jouions en petite formation, puis abordions des chefs-d’œuvre comme les Métamorphoses de Strauss. Il existait aussi des collaborations avec l’Orchestre du Capitole. La vie bouillonne à Toulouse, grâce à sa population étudiante et ses nombreuses structures culturelles, et le Conservatoire bénéficie de cet incroyable dynamisme.
Thibaut Garcia : Originaire de Saint-Orens-de-Gameville, je me rendais à Toulouse pour mes classes à horaires aménagés, qui se déroulaient dans un cadre sain et bienveillant à préserver absolument. Aujourd’hui, j’ai gardé contact avec des professeurs pour lesquels j’ai énormément de respect, et le quartier de la Daurade représente toujours pour moi le cœur de la ville. On n’oublie pas le Conservatoire de Toulouse. Quand je rencontre des musiciens toulousains, nous ne pouvons pas nous empêcher de chercher des liens entre nous. Il y a toujours au moins un professeur en commun. Cela donne souvent une impression de destins croisés.
Quels sont vos souvenirs, quelle est votre histoire avec l’Orchestre du Capitole ?
B. A. : Ma sœur et moi nous rendions très souvent au concert. Nous avons profité des plateaux vocaux extraordinaires que Michel Plasson faisait venir, ou de moments d’exception comme Maxim Vengerov donnant le Poème de Chausson et Tzigane de Ravel avec l’Orchestre. En règle générale, j’étais plus sensible aux pièces concertantes qu’aux symphonies. Je réalise d’ailleurs que j’ai écrit beaucoup de concertos ! Avant ce Concerto pour guitare, j’en ai composé un autre pour l’Orchestre du Capitole : Nur, créé en 2014 par Olivier Stankiewicz au hautbois, sous la direction de Tugan Sokhiev.
P. B. : C’est avec l’Orchestre du Capitole que j’ai fait mes tout débuts en tant que chef, avec un programme autour de Peer Gynt ; c’est encore avec lui que j’ai dirigé ma première Valse de Ravel. Quel luxe d’avoir un tel orchestre pour commencer ! Et comment oublier cet appel reçu alors que je me trouvais à Vienne, pour me demander de remplacer Josep Pons au pied levé, avec une répétition le soir-même ? J’admire Michel Plasson, qui a offert des moments musicaux magiques au public toulousain. Il a fait des choix de répertoires très forts et donné une véritable identité à l’Orchestre. Tugan Sokhiev a réussi à lui insuffler quelque chose d’autre avec sa culture russe.
T. G. : Comme ma famille habitait un peu à l’extérieur de Toulouse, je n’avais pas tant d’occasions d’aller écouter l’Orchestre, et je le vivais comme un événement à chaque fois. Je garde des souvenirs très vivaces de concerts de présentations d’instruments, car petit, les instruments m’intéressaient plus que le répertoire en lui-même. Grande étape d’une vie de guitariste, j’ai joué (et enregistré) le Concerto d’Aranjuez pour la première fois avec l’Orchestre du Capitole. C’était incroyable de se produire dans un lieu comme la Halle aux grains, avec cet orchestre fabuleux où je reconnaissais parmi les musiciens les parents de copains du Conservatoire.
Comment percevez-vous ce concert auprès de musiciens toulousains, pour le public toulousain ?
B. A. : Évidemment, ce concert est assez singulier ! Thibaut Garcia et moi souhaitions travailler ensemble depuis plusieurs années, il marque aussi notre première collaboration. Le moment promet d’être d’autant plus spécial que ma rencontre avec Pierre Bleuse a été très forte, humainement et musicalement. Il comprend intimement la partition, et a des intuitions très claires sur la façon de faire sonner les choses. Et comme j’ai un rapport direct avec les musiciens de l’Orchestre… Tout se passera naturellement.
P. B. : Bien que né en région parisienne, je me sens pleinement toulousain. J’y suis arrivé lorsque j’avais douze ans : ce sont des années qui comptent ! Nous nous sentons vite proches entre musiciens toulousains. Nous avons une sensibilité commune – et je ne parle pas que de notre amour inévitable pour Nougaro ! J’ai déjà expérimenté cela avec Benjamin Attahir, comme avec Thibaut Garcia. Je suis très heureux de cette aventure, qui mêle le plaisir de retrouver l’Orchestre du Capitole à celui de diriger un beau programme, bien construit, avec ces deux pièces de Franck encadrant la création de Benjamin Attahir. Cela donne vraiment l’impression de se retrouver à la maison !
T. G. : Mes liens avec la ville et son public sont toujours forts, car je suis programmateur artistique du festival Toulouse Guitare. Nous organisons des concerts dans des lieux que j’adore, comme la Chapelle des Carmélites. Je ressens bien sûr beaucoup de bonheur à l’idée de retrouver l’Orchestre pour ce concert résolument placé sous le signe de la nouveauté : je connais Pierre Bleuse personnellement, mais vais jouer pour la première fois sous sa direction. Quant à la pièce de Benjamin Attahir, c’est le premier concerto écrit pour moi !
Un trio toulousain
Grand concert symphonique
Vendredi 17 mars à 20h
Le jeune et brillant compositeur Benjamin Attahir réunit deux interprètes originaires comme lui de Toulouse, Pierre Bleuse et Thibaut Garcia, afin de poursuivre l’aventure des concertos imaginés pour l’Orchestre national du Capitole. De l’emblématique Symphonie en ré mineur de César Franck – belge de naissance, mais père fondateur de l’école française – à la création d’aujourd’hui, l’Orchestre national du Capitole met à l’honneur une musique qui lui est tout particulièrement chère.