Le souffle continu

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Le souffle continu

Flûte solo de l’Orchestre philharmonique de Berlin depuis plus de trente ans, Emmanuel Pahud respire toujours la passion et l’émerveillement. Ce musicien hyperactif ne cesse de défendre et d’enrichir le répertoire de son instrument, grâce à de nombreuses commandes passées à des compositeurs actuels. Le Concerto pour flûte de Marc-André Dalbavie en fait partie : les Toulousains découvriront cette œuvre étonnante lors de leur prochain rendez-vous avec cet invité régulier de l’Orchestre national du Capitole.

Entretien avec Emmanuel Pahud

Vous menez deux carrières en parallèle : membre d’un prestigieux orchestre, vous êtes aussi appelé en tant que soliste partout dans le monde. Comment parvenez-vous à concilier ces deux activités ?

Ainsi va mon existence depuis que je suis très jeune, puisque je suis entré au Philharmonique de Berlin à 22 ans, après avoir exercé dans d’autres ensembles ! Mon activité de soliste y est planifiée en alternance avec un autre musicien, ce qui me laisse une semaine sur deux pour d’autres projets. Je savoure pleinement les plaisirs différents que m’offrent ces deux casquettes : je me réjouis d’un beau programme au sein de mon orchestre, tout en voyant arriver avec joie la semaine suivante où je jouerai un concerto ailleurs, et vice versa.

Comment est né ce Concerto de Dalbavie, que vous avez créé et qui vous est dédié ?

Il date de 2006. Tous les orchestres célébraient alors les 250 ans de la naissance de Mozart. Au lieu de jouer ses concertos, j’ai préféré passer une commande ! Il ne s’agissait pas de tourner la page mais de se rappeler que toute musique a été un jour contemporaine, même celle des compositeurs du passé. Ce concerto est une commande passée par le Philharmonique de Berlin et l’Orchestre de Zurich. Moins de vingt ans après sa création, il a déjà trouvé sa place au répertoire. Les étudiants le travaillent, et il figure au programme de concours internationaux ! Ce coup de poker est donc un pari réussi. Bravo à Marc- André Dalbavie qui a créé une œuvre à la texture orchestrale extraordinaire et une écriture pour la flûte à la fois sensible et virtuose. J’éprouve un vrai plaisir, une vraie gourmandise à partager cette œuvre qui foisonne d’idées. Il y a de très beaux dialogues entre la flûte et la trompette, les cordes, le xylophone, ainsi qu’entre la flûte soliste et les flûtes de l’orchestre. Depuis, je passe une commande par an.

Les orchestres programment souvent des concertos pour violon, pour piano… Les concertos pour flûte sont un peu plus rares. Quels sont vos favoris du répertoire ?

Les orchestres privilégient en effet d’autres instruments pour les concertos dans leur saison, mais cela est moins le cas à Toulouse qu’ailleurs : j’y ai joué très régulièrement, avec Michel Plasson, puis Tugan Sokhiev. Je salue au passage le pupitre de flûtes de l’Orchestre du Capitole, absolument remarquable, et dont la réputation d’excellence remonte au temps où j’étais encore étudiant ! Avec le Capitole, j’ai joué Mozart, Devienne, Ibert, Nielsen, Khatchaturian, maintenant Dalbavie… Bien d’autres sommets nous ont été offerts par d’autres compositeurs : nos concertos de Vivaldi n’ont rien à envier aux Quatre Saisons en termes d’expression, de couleur, de virtuosité et de créativité ! Telemann propose lui aussi une musique très expressive. Nos contemporains Penderecki, Gubaidulina, Pintscher, Jarrell, Tüür ou encore Carter ont écrit des monuments du patrimoine de la flûte, que je veille à programmer régulièrement.

Le concerto sera dirigé par le chef Omer Meir Wellber : s’agit-il de votre première collaboration ?

Nous nous sommes déjà croisés dans différents festivals, sans avoir jamais travaillé ensemble. Je suis donc absolument ravi ! Faire fleurir un projet musical avec des personnalités que j’estime sans encore les connaître est pour moi un appel d’air, une bouffée d’oxygène. Au bout de 35 ans de carrière, découvrir un nouvel éclairage grâce à une rencontre rafraîchit et inspire. Et puis, je me réjouis bien sûr de retrouver l’Orchestre du Capitole, qui a connu un beau renouvellement de générations. Cet ensemble a toujours un coeur énorme et une formidable force d’expression, avec une façon de vivre la musique qui
lui est vraiment propre.

Propos recueillis par Mathilde Serraille


LE CONCERT

Emmanuel Pahud © Fabien Monthubert

Omer Meir Wellber / Emmanuel Pahud

Grand concert symphonique

Jeudi 12 décembre 20h

Comme un jeu de miroirs entre passé et présent, ce programme propose de mettre en regard deux symphonies de Haydn et des pièces des XXe et XXIe siècles, Metamorphoseon de Respighi composée en 1930 et le Concerto pour flûte de Marc-André Dalbavie, datant de 2006.